Visite de Valérie Pécresse à Strasbourg
Une table ronde sur la création de l'Université de Strasbourg s'est tenue le vendredi 28 septembre au Palais universitaire. Elle a été l'occasion pour la communauté universitaire de présenter ses attentes à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Madame Valérie Pécresse.
« Vous avez été les premiers à lancer ce mouvement de fusion », a
tout de suite souligné Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Recherche, devant les participants à la table ronde
et une cinquantaine d'invités concernés par le projet. La ministre est
venue écouter les attentes et les propositions des universitaires à
propos de la création d'une université unique, l'Université de
Strasbourg (UdS). Suivi aujourd'hui par Aix-Marseille, « l'exemple de
Strasbourg titille d'autres présidents d'université qui se demandent si
ce n'est pas un modèle à suivre » a-t-elle assuré.
Les trois présidents des universités strasbourgeoises ont rappelé la
genèse et les principes du projet de fusion, appelant un soutien fort
du ministère pour sa réalisation. Florence Benoit-Rohmer, présidente de
l'URS, a souligné les réticences et interrogations initiales qui se
sont petit à petit effacées et l'ambition du projet : « porter au
meilleur niveau national et international les compétences et les
qualités reconnues et complémentaires de nos universités. Nous voulons
une université visible et attractive pour les étudiants, les chercheurs
et les étudiants-chercheurs. »
« Le niveau intermédiaire, il faut en prouver la nécessité. »
Bernard Michon, président de l'UMB, a précisé un des aspects-clés de l'organisation de la future université : une structure en trois niveaux. En effet, elle comprendra un niveau intermédiaire original, un « trait d'union », entre la présidence et les conseils statutaires, d'autre part les 40 composantes et 80 laboratoires que comptera l'UdS. Non décisionnel, ce niveau sera le « lieu privilégié de convergence entre la recherche et la formation » a expliqué Bernard Michon. C'est également à ce niveau que s'établiront des programmes de recherche et pédagogique transversaux, partagés entre différentes entités de ce niveau intermédiaire, comme le précisera Dominique d'Ambra, vice-présidente du conseil d'administration de l'URS. Les entités qui le composent « pourraient établir leur propre mode de fonctionnement selon leurs spécificités, tout en respectant cependant un cahier des charges commun établi par l'université. » Cette innovation soulève cependant de nombreuses questions, en particulier la possibilité d'instituer ce niveau dans le cadre de la nouvelle loi d'août 2007. Valérie Pécresse affirme que le niveau intermédiaire peut être créé dans le cadre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, mais « il faut en prouver la nécessité ». « Cela pose la question de la cohérence de votre carte de formations », poursuit-elle. Des simplifications pourraient y être faites, qui justifierait une organisation un peu différente.
Ayant souligné la difficulté politique mais aussi technique de la
fusion, Alain Beretz a estimé que « l'aide qui pourrait nous être
donnée devrait être au moins de l'ordre de celle accordée à des pôles
de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), étant entendu que,
sans fausse modestie, notre projet va plutôt au-delà. » Il s'est
également demandé si l'université aura les moyens de son ambition
d'excellence au niveau européen : « Tout ne doit pas venir de l'Etat,
nous devons avoir une réflexion globale pour augmenter nos ressources ».
« Je suis venue vous écouter. »
Les élus universitaires ont ensuite pris la parole à tour de rôle à
l'invitation de Valérie Pécresse. Bernard Ancori, vice-président
Science et société de ULP, a évoqué une action pilote pour l'UdS : la
création d'une vice-présidence Science, culture et société. Il veut
engager une démarche « moins fondée sur une logique d'exposition de
produits que sur une logique de co-construction. Nous voudrions que les
citoyens s'approprient de manière active un savoir plutôt que d'en être
les spectateurs, à l'occasion d'une exposition par exemple. » Jean-Marc
Jeltsch, vice-président Finances et relations avec les entreprises de
l'ULP, rappelle le positionnement fort de l'université comme acteur
économique, supposant « l'apprentissage d'une langue commune avec le
monde l'entreprise, celle du progrès ».
Yves Strickler, vice-président Recherche de l'URS, envisage la
fusion comme « une chance à saisir et un pari à tenir ». Strasbourg
couvre pratiquement tous les domaines de la connaissance ; décloisonner
va permettre d'ouvrir l'horizon des chercheurs. Michel Granet, ancien
vice-président Recherche et formation doctorale de l'ULP et directeur
d'une école d'ingénieurs interne à l'université, a insisté sur la
nécessité de maintenir, à côté d'un financement de la recherche et de
l'innovation sur projet, un financement récurrent par le « soutien de
base » des laboratoires, gage d'une recherche qui se construit sur la
durée et s'engage sur des projets à risque. Il a aussi demandé, comme
le président Alain Beretz, le droit à l'expérimentation pour monter ce
projet de fusion unique. Valérie Pécresse a vivement encouragé les
universitaires à lui faire des propositions s'ils notaient des poids
techniques ou des lourdeurs administratives pouvant être améliorés dans
le cadre de la nouvelle loi.
Fabienne Keller, maire de Strasbourg, s'est montrée enthousiaste de
ce « projet magnifique pour la visibilité de Strasbourg et pour
l'accompagnement et la dynamique de cet univers qui s'enrichit en se
décloisonnant et en se rencontrant ». Elle s'est cependant déclarée «
très inquiète des trois niveaux » d'organisation présentés, considérant
les « organisations plates » comme « plus fructueuses ». Elle souhaite
encore renforcer les interfaces entre les universités et le monde de la
culture et regrette seulement que la fusion des universités ne soit pas
immédiate !
Frédérique Granet, vice-présidente CEVU (Conseil des Etudes et de la
Vie Universitaire) de l'URS, a souligné l'importance des mesures
d'accompagnement et de soutien en première année qui seront en place
dès la prochaine rentrée : « Plus les étudiants en risque d'échec
seront rapidement dépistés, plus on pourra intervenir vite avec la
réponse adaptée ». Yannick Schmitt, vice-président Etudiant de l'ULP,
rappelle que « la vie étudiante ne se résume pas au nombre d'étudiants,
42 000, mais aussi à son attractivité, enjeu international. » Il
précise que ces projets pour améliorer l'accueil, la citoyenneté ou la
vie sportive coûtent de l'argent. « Il faut savoir qui finance quoi. »
François Laurin, vice-président en charge de la vie étudiante de l'URS,
veut notamment renforcer la citoyenneté à l'université et « refaire de
l'université le lieu du dialogue avec la société ». Adrien Caruso,
étudiant à l'UMB, a rapporté deux types de crainte soulevée par le
projet : comment fusionner sans moyens supplémentaires des universités
qui ont des carences de budget ? Et comment améliorer la
représentativité des étudiants dans les différents conseils ? « L'UdS
doit être l'université des étudiants et pas seulement celle de la
visibilité et de la recherche » a-t-il ajouté. Il a aussi demandé la
mise en place d'une commission nationale pour traiter de ces questions
de fusion avec tous les syndicats et « maintenir un service public
d'enseignement supérieur ».
« La fusion est avant tout un projet pour les étudiants. »
« La fusion est avant tout un projet pour les étudiants », a assuré Valérie Pécresse, leur garantissant des cartes de formations rationalisées, de l'interdisciplinarité, etc. Par ailleurs, une université bien visible à l'internationale et bien classée attire les meilleurs enseignants et ouvre des possibilités d'échanges avec les meilleures universités européennes. « Il est important que les étudiants s'approprient le projet, qu'ils soient moteur » a-t-elle ajouté. Quant à la commission demandée par Adrien Caruso, elle met en garde : l'Etat doit garantir l'égalité mais pas la ressemblance. « Nous ne sommes pas dans une logique où la vérité viendra de l'Etat. Ce n'est pas à lui de définir l'organisation de la transmission des connaissances. »
Valérie Pécresse place le thème de la réussite en licence au centre de ses préoccupations : « La première année ne peut pas être une année de sélection par l'échec, comme elle est devenue ». Elle juge que l'accompagnement durant cette période est fondamentale et annonce que le tutorat et l'orientation active sont des priorités du budget.
« Des moyens importants et conséquents accompagneront l'autonomie. »
A la question des moyens que le ministère accorderait au projet UdS,
Valérie Pécresse a assuré du soutien du ministère « d'autant plus que
la fusion accompagnera l'autonomie des universités ». « L'entrée en
vigueur de la loi d'autonomie à Strasbourg se fera en même temps que la
fusion des universités. « C'est un processus tout à fait unique en
France », souligne-t-elle. Et comme l'a dit le Président de la
République, des moyens importants et conséquents accompagneront
l'autonomie. » En contrepartie, elle attend une efficacité et des
économies d'échelle, une fois la réorganisation mise en place. « Nous
sommes d'accord pour mettre des moyens au départ, mais il faut qu'il y
ait une vraie simplification, une mutualisation des moyens, une manière
de faire les choses plus efficace qui économise un peu d'argent. » Elle
garantit malgré tout que ces économies ne s'accompagneront pas d'une
baisse de moyens venant du ministère. Dans un premier temps, la
ministre a annoncé la venue « dès que possible » d'un audit de
l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et
de la recherche, ce qui est le souhait des trois universités du site.